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Acheteur, protégez-vous contre les vices cachés

Acheteur, protégez-vous contre les vi...
Publié le 19/07/2021

Devenir propriétaire peut tourner au cauchemar si des fissures ou des infiltrations d’eau apparaissent dans la maison de vos rêves. Des recours sont possibles, mais mieux vaut prendre toutes les précautions avant de conclure la vente.
Fissures, infiltrations, termites… Rien n’est plus désagréable, voire traumatisant, après un achat immobilier, que d’éprouver la sensation d’avoir été abusé. C’est souvent à l’occasion de travaux ou lors d’un sinistre que des vices cachés apparaissent. Le propriétaire découvre alors l’étendue du problème. Selon la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), chaque année, de 6 500 à 8 000 transactions débouchent sur un litige lié à des vices cachés. Ces chiffres peuvent paraître minimes, comparés au million de ventes immobilières dans l’ancien, en 2019. Mais les sommes en jeu sont considérables : des centaines de milliers d’euros sont parfois nécessaires pour remettre une maison en état.
Par définition, un vice caché est un désordre non visible au moment de la vente. Mais qui affecte si gravement le bien qu’il le rend inhabitable, ou en diminue tellement l’usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou en aurait donné un moindre prix s’il en avait eu connaissance(1). Pour limiter les risques, il est important de se faire accompagner et d’être particulièrement attentif lors des visites précédant un achat immobilier. Quand un désordre est décelé après la vente, il faudra faire preuve de pugnacité pour en obtenir l’annulation ou les moyens de réparer les dommages, et parfois l’affaire se règle au tribunal.

Ne négligez rien avant de signer
L’acheteur n’est pas protégé contre les vices apparents (2). « Ce sont tous les défauts que l’on voit d’un simple coup d’œil », résume Simon Ulrich, avocat à Lyon. L’acquéreur est censé les avoir détectés au moment de la vente. C’est pourquoi la visite intégrale du logement, de la cave aux combles, s’impose avant la signature. Quitte à revenir plusieurs fois. « Faites-vous accompagner d’un ami qui n’est pas partie prenante à l’achat. Et si celui-ci est bricoleur, c’est encore mieux », recommande Me Ulrich. Dans l’idéal, le logement sera vide de meubles. Si les vices cachés sont, en principe, imperceptibles à l’œil nu, de nombreux indices doivent vous inciter à la plus grande vigilance. « Des lattes de lambris fraîchement posées ou une peinture récente peuvent dissimuler des traces d’humidité, des faux plafonds masquer des problèmes de canalisation et des coffrages s’avérer des cache-misère. Ne négligez pas les peintures cloquées et les auréoles, qui marquent souvent le passage de l’eau, met en garde Élodie Frémont, notaire à Paris. Les odeurs sont aussi révélatrices. Une pièce qui sent le renfermé, ce n’est jamais bon signe. » Interrogez le vendeur pour lever le moindre doute. Si la réponse n’est pas satisfaisante, effectuez une contre-visite avec un professionnel. « Mieux vaut solliciter un entrepreneur du bâtiment tous corps d’état pour vérifier notamment la charpente, l’étanchéité et le système de chauffage. Ou un architecte, si vous envisagez de faire de gros travaux rapidement après l’achat », conseille la notaire. Les diagnostics techniques fournis par le vendeur contiennent aussi une mine d’informations. « Examinez scrupuleusement les constatations diverses figurant dans le diagnostic termite, car elles peuvent faire état d’anciennes traces d’insectes xylophages », confirme Me Frémont. Si trop de doutes subsistent, il est encore temps d’arrêter les tractations.
La clause qui couvre le vendeur
Le contrat de vente prévoit quasi systématiquement une clause qui exonère le vendeur de son obligation de garantir l’acheteur contre les vices cachés. Cela signifie que ce dernier achète le bien dans l’état où il se trouve le jour où il en devient propriétaire. Il n’a pas de recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit. Cette exclusion de garantie ne s’applique pas lorsque le vendeur est professionnel, ni lorsque l’acquéreur prouve, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur.
Pouvez-vous agir contre le vendeur ?
Dès la signature de l’acte d’achat chez le notaire, vous vous retrouvez en situation de faiblesse vis-à-vis du vendeur. Car vous ne pouvez, en principe, engager aucune action en vices cachés contre lui. La raison ? « Tous nos actes comportent systématiquement une clause d’exclusion de garantie des vices cachés au profit du vendeur », précise Julien Sainlot, notaire à Luçon (85). Autrement dit, l’acheteur s’engage à prendre le bien immobilier en l’état.
Cette clause est imparable en apparence, mais il est possible d’y échapper dans trois situations. Premièrement, lorsque le vendeur ne fournit pas à l’acquéreur les diagnostics exigés par la loi (termites, amiante, plomb…). Elle ne s’applique pas quand survient un défaut que ces diagnostics auraient révélé (3). Deuxièmement, lorsque le vendeur est un professionnel de l’immobilier ou de la construction (marchand de biens, architecte…) ou assimilé, il est présumé connaître les vices du bien cédé. Impossible pour lui de s’affranchir de sa responsabilité, même avec une clause. Sachez que les particuliers qui font eux-mêmes des travaux chez eux peuvent être assimilés à des vendeurs professionnels. C’est le cas notamment d’une personne qui se charge avec son fils de l’aménagement, la réfection et l’embellissement d’un appartement avant de le vendre (4), ou d’un particulier qui conçoit ou effectue lui-même la transformation d’anciens locaux commerciaux en habitations (5).
Si le vendeur est une société civile immobilière (SCI), c’est son objet social qui détermine sa nature professionnelle ou non. « Seules les SCI familiales sont considérées comme non professionnelles, car elles sont en général uniquement créées pour acquérir et gérer le logement de la famille, prévient Sylvaine Porcheron, avocate en droit immobilier. Une SCI dont l’objet social mentionne l’activité de vente (6) ou une activité très large comme “l’acquisition d’immeubles de toute nature tant à usage d’habitation que de bureaux et leur exploitation par bail” (7) est professionnelle. Et peu importe la profession de l’associé de la SCI (8). »
Une expertise judiciaire coûte jusqu’à 10 000 €
L’expert nommé par le juge judiciaire a pour mission de donner un avis sur des points techniques. « Pour un litige lié à des vices cachés, je suis chargé de qualifier techniquement le désordre, de justifier que le vendeur en avait connaissance, de fixer sa date d’apparition, d’en chercher les causes, les remèdes et d’évaluer le coût des réparations et des éventuels préjudices. L’expertise dure d’une à 4 années selon le cas », détaille Yann Guillot, expert de justice agréé par la Cour de cassation. Il n’hésite pas à solliciter l’avis d’autres professionnels, comme des géologues, ou des bureaux d’études de sol. Les frais d’expertise sont avancés par l’acheteur. « Il faut compter, en moyenne, de 3 000 à 6 000 €. Pour les dossiers les plus complexes, le tarif peut atteindre 10 000 € », précise Christophe Oger, avocat au cabinet BBO à Paris.
Démontrez la mauvaise foi du vendeur
Troisième et dernier moyen de faire jouer la responsabilité du vendeur en cas de découverte d’un vice caché : invoquer la mauvaise foi du vendeur (9). Il faudra démontrer qu’il avait connaissance du vice au moment de la vente. Pour cela, déclarez le sinistre à votre assureur qui diligentera une expertise. « Avant tout projet immobilier, il est utile de vérifier que vous avez souscrit une protection juridique couvrant ce type de contentieux, rappelle Simon Ulrich. La garantie est généralement incluse dans l’assurance habitation. Sinon, je conseille d’en souscrire une. Mieux vaut payer de 60 à 70 € de plus par an, car en cas de litige, les frais d’expertise et de procédure sont très élevés. » Le rapport de l’expert de votre assureur peut suffire à négocier à l’amiable avec le vendeur. Mais si votre recours n’aboutit pas, vous n’aurez pas d’autre choix que de saisir le tribunal judiciaire, par l’intermédiaire d’un avocat, pour assigner le vendeur en « référé expertise ». Vous obtiendrez alors la désignation d’un expert judiciaire. « Lorsque l’acheteur assigne le vendeur devant le tribunal pour faire annuler la vente sur le fondement des vices cachés, 9 fois sur 10 le juge nomme un expert judiciaire. Car l’expertise diligentée par l’assureur se révèle souvent insuffisante pour qu’il puisse se prononcer », explique Christophe Oger, avocat au cabinet BBO, à Paris. Si le rapport de l’expert judiciaire est favorable, vous devrez saisir de nouveau le juge judiciaire pour faire valider l’expertise et obtenir l’annulation de la vente ou une réduction du prix. « Il faut compter un minimum de 12 mois pour que le juge rende sa conclusion. La moitié des jugements de première instance vont en appel, mais rares sont les décisions d’appel qui se retrouvent devant la Cour de cassation », poursuit l’avocat.

Les 15 vices cachés les plus courants
Voici les principaux désordres recensés dans la jurisprudence auxquels vous pouvez être confronté.

● Infiltration d’eau de pluie dans la toiture (1) 
● Présence, dans le logement, de mérules non visibles au moment de la vente  (2)
● Infestation de la structure de la maison par des termites découverts lors de travaux (3) 
● Vices de construction affectant la cheminée (4) 
● Fissures dans le sol de la maison, dissimulées par une épaisse moquette (5)  
● Fissures soigneusement colmatées, sur les murs externes de la maison  (6)
● Faiblesse de la charpente (7)  
● Fragilité des fondations et déformation de la structure de la maison à cause d’un glissement de terrain  (8)
●Tuiles gélives (non protégées du gel)  (9)
● Humidité anormalement élevée  10)(
● Absence d’étanchéité du crépi  (11)
● Affaissement de la piscine en raison d’un remblai de mauvaise qualité (12) 
● Fixation inadaptée causant l’effondrement de l’abri de piscine  (13)
●Absence d’alimentation en eau courante, malgré l’existence de robinetteries et de canalisations (14)

→ Ne sont pas considérés comme des vices cachés

● Pollution de l’eau d’un étang de la propriété  (15)
● Absence de raccordement à une arrivée d’eau et à un réseau d’assainissement d’une salle d’eau, dans un immeuble à usage d’atelier ou de grange et non d’habitation  (16)
● Débit insuffisant et mauvaise qualité de l’eau d’une source mentionnée dans l’acte de vente de la propriété  (17)
● Vétusté d’une chaudière et dégradation des tuyaux de fumée visibles  (18)
● Mauvais état d’une toiture visible depuis des combles accessibles par une porte fermée à clé  (19)
● Manque de rentabilité d’un investissement locatif  (20)
● Absence de syndic dans une copropriété  (21)


Attention au délai
Vous disposez de 2 ans, à compter de la découverte du vice caché (10) ou du dépôt du rapport d’expertise judiciaire qui révèle son existence, pour engager la responsabilité du vendeur. Vous obtiendrez l’annulation de la vente. Vous rendrez alors le bien, en échange de quoi le vendeur vous restituera le prix et les frais d’acquisition. Vous avez aussi la possibilité de le conserver, contre une baisse du prix correspondant au montant des travaux de remise en état (11). Ils seront évalués par le juge à l’appui du rapport de l’expert. Dans les deux cas, le vendeur vous remboursera les frais de procédure et d’expertise, et vous versera des dommages et intérêts s’il a été de mauvaise foi (12).

Prendre une assurance
La Fnaim et Horizon Assurances proposent, depuis 1 an, de vous couvrir contre les vices cachés, pendant les 2 premières années de l’achat immobilier, dans la limite maximale de 100 000 €. En cas de désordre avéré, ils s’engagent à vous indemniser sous 90 jours. Comptez de 247,50 à 1 650 € de prime, selon le plafond de garantie souhaité.
Attention, la Cour de cassation estime que le délai de prescription de droit commun interdit d’agir plus de 5 ans après l’achat, même si vous êtes toujours dans les 2 ans suivant la découverte du vice (13). « Inspectez scrupuleusement votre logement et n’hésitez pas à entreprendre des travaux de rénovation pendant les 5 premières années après l’achat. Vous pourrez mettre à jour d’éventuels vices cachés », confirme Pierre-Alain Touchard, avocat au cabinet BBO, à Paris. Toutefois, ce délai de prescription de 5 ans reste soumis à la décision du juge. Dans l’un de ses dossiers, l’avocate Sylvaine Porcheron a plaidé l’application de cette prescription quinquennale pour défendre son client vendeur. Elle attend le verdict…
 

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